Steve Jarand travaille depuis quelques années avec Keith Johnstone. Il est une des personnes qui portera le flambeau dans les années à
venir de la vision de l'improvisation selon Keith Johnstone. Dans les dernières pages du livre "Impro" de Keith Johnstone, il subsiste un chapitre moins connu intitulé "masques et transe".
C'est dans ce domaine que Steve Jarand excelle. La technique du masque qu'il nous propose est entièrement basée sur la spontanéité. L'acteur choisit un masque parmi la vingtaine de sa
fabrication, affichant un insolite rictus sur une table. Dos au public, l'improvisateur met le masque sur sa tête, ayant bien soin de ne pas laisser entrevoir la peau au-dessus de son front. Le
masque s'arrête au-dessus des joues de manière à laisser entrevoir la bouche. L'acteur se retourne et fait face à Steve. Après quelques secondes de concentration, celui-ci élève un miroir à
hauteur du masque de façon à ce que l'acteur-masque puisse se découvrir brusquement dans le reflet. Le plus rapidement possible, le masque-acteur émet un son correspondant à sa première
impression et amplifie le son ainsi que l'attitude correspondante.
"Many actors report "split" states of consciousness, or amnesias,; they speak of their body acting automatically, or as being inhabited by the character they are playing." Dès
qu'il apparaît à Steve que le masque commence à réfléchir ou que l'acteur prenne le pas sur le masque, Steve demande d'enlever le masque
"take off the mask!" afin de préserver sa
magie. Le masque dès qu'il s'éveille, dès qu'il commence à se découvrir, est un sauvageon qui a tout à apprendre. Les improvisations qui suivent permettent au masque d'apprendre et
d'appréhender son existence en tant que masque, supporté par l'expression d'un acteur vivant. Si le masque est masque, il ne vous parlera pas de la pluie et du beau temps, il réagira comme un
enfant sauvage et il vous faudra, à vous acteur qui jouait sans porter de masque, l'apprivoiser et le faire progresser dans ses premiers pas dans le monde des vivants. Lui apprendre à parler, à
manger, à jouer. L'acteur-improvisateur lâche prise (ce n'est pas chose facile) et le masque le possède. La spontanéité est ainsi une technique clé permettant au masque de se dévoiler. Le
masque ne fait pas semblant. Il expérimente réellement. Il est une éponge. Le masque n'est pas un objet de consommation pour un acteur. Si le masque prend possession de l'acteur, il est
difficile d'envisager de changer de masque comme de chemise. Ainsi, il est aisé de comprendre pourquoi les acteurs de la commedia dell'arte gardaient leur masque toute une vie et n'en
changeaient pratiquement jamais. L'authenticité de leur personnage en dépendait totalement. D'une certaine manière, le travail de Keith Johnstone, soutenu par l'attention extrême de Steve, qui,
à juste titre, se moque comme d'une guigne du passé, ne fait aucunement référence à la commedia dell'arte. Il est néanmoins, sans s'y enferrer, dans la droite ligne de cet héritage qui marque
profondément l'histoire du théâtre.
A propos d'un stage organisé par les Improfessionals....